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Diagnostic Socio-Sanitaire sur les foyers de travailleurs migrants

GRDR : Groupe de recherches et de réalisations pour le développement rural
vendredi 18 mai 2007 par Raconte-nous

Problématique générale et démarche de l’étude

L’ouverture des frontières françaises aux « étrangers » à des fins professionnelles débute vers 1918. Les besoins d’après–guerre de main d’œuvre des entreprises françaises encouragent, officieusement ou officiellement, l’immigration en France. Ces migrants, d’Europe (Pologne, Italie, Portugal) puis d’Afrique (Algérie, Maroc, Afrique Subsaharienne..) arrivent donc avec la certitude de pouvoir travailler et ainsi répondre à leurs besoins économiques. En 1973, l’Afrique Subsaharienne connaît une grande sécheresse durcissant les conditions de vie et réduisant à néant leur projet de vie. « Paris devient notre capitale, même à 6000 km, comme Abidjan ou Dakar, sauf qu’en France on nous attend ».

Aujourd’hui, les conditions d’entrée en France se sont durcies, mais le désir d’immigration et le fantasme d’une vie plus facile, quant à lui, ne diminuent pas. Que ce soit les migrants eux-mêmes ou les autorités françaises, le temps de vie en France est conçus sur du court terme, en attendant de retourner dans leur pays d’origine. C’est à cette image d’une « vie passagère » en France que les foyers sont construits. Ils deviennent la solution transitoire aux conditions de vie déplorables d’avant . Sont ainsi offertes aux migrants des conditions de vie décentes dans des foyers ou chacun possède sa chambre et son indépendance. Force est de constater que les résidents des foyers s’y sont établis, ces derniers devenant non plus des lieux d’hébergements transitoires, mais des lieux d’installation, à l’image de leur trajectoire de vie.

Quand les autorités françaises commencent à comprendre que « les migrants sont là », hommes, citoyens, militants pour des meilleures conditions de vie, elles doivent trouver un moyen d’intégrer « les migrants » dans les politiques publiques. La santé publique devient un enjeu central pour les autorités, oscillant entre « l’étranger porteur de contagion dangereuse » et la protection sanitaire de « l’autre ». Le thème phare en santé publique sur le lien entre santé et migration devient le sida. En 1999, la publication des chiffres de séroprévalence, d’accès au dépistage et aux soins dans les population étrangère résidant en France marque un tournant en santé publique. Comme l’écrit Didier Fassin : cette officialisation « déplace la préoccupation centrale des autorités sanitaires du thème implicite d’un risque de contagion de la population française par des immigrés fortement infectés par le virus aux questions de lourd tribut payés par eux à la maladie, du retard au diagnostic de l’infection et de l’accès difficiles au traitement : les étrangers ne sont plus vus comme vecteurs potentiels, mais comme victimes effectives ». La place des migrants et étrangers en santé publique est faite. Entre population spécifique ou population à risque, les autorités en santé publique reconnaisse la spécificité de la différence. Les foyers de travailleurs migrants deviennent logiquement des lieux ciblés par les politiques sanitaires. Entre précarité, insalubrité, promiscuité et lieu d’accueil de migrants, les foyers deviennent légitimement des « territoires prioritaires » d’action en santé publique. Mais avant de considérer le foyer comme lieu d’action, il paraît essentiel de comprendre et d’évaluer « ce qui ce passe et ce qui change dans les foyers. »

En effet, les résidents installés depuis les années soixante-dix y résident encore. L’âge de la retraite étant proche, peut-on dire que ces foyers sont adéquats pour des personnes vieillissantes ? Quels sont les problèmes majeurs de ces résidents ? Outre les questionnements relatifs au vieillissement des résidents de FTM, force est de constater que des « jeunes » prennent la place de leurs aînés retournés dans leur pays d’origine. Qui sont-ils ? Leurs statuts en France, leurs conditions de vie au quotidien (…) vont, conditionner leur style de vie dans le pays d’accueil. Quelle est la spécificité de vivre en FTM ? Promiscuité, vie en communauté, logement se dégradant…traits souvent caractéristiques des foyers, ont-ils une influence sur la santé des résidents ? Si tout le monde s’accorde pour dire qu’il existe un lien entre précarité et vulnérabilité physique et psychologique, peut-on dire que les foyers sont des lieux précaires et donc vulnérabilisant ?

Pour mieux appréhender les problématiques spécifiques liées à la vie dans les FTM, la DDASS 75 nous a commandité de faire un diagnostic socio- sanitaire de deux foyers de travailleurs migrants, Lorraine et Riquet, dans le 19ème arrondissement réputé pour être des foyers « africains ».


I. Objectifs du diagnostic

Il s’agissait de faire un diagnostic socio- sanitaire dans deux foyers de travailleurs migrants : le foyer Lorraine et le foyer Riquet , c’est-à-dire d’appréhender les besoins, attentes et difficultés socio- sanitaires des résidents, afin d’envisager des préconisations aux besoins préalablement évalués. Ce diagnostic permettait d’avoir une idée sur la situation actuelle au sein des foyers, d’analyser les problématiques principales et leurs causes et de proposer des actions concrètes pour y pallier.

Pour ce faire, il nous a paru opportun, dans un premier temps, d’effectuer avec les résidents, un état des lieux des foyers en mettant l’accent sur : • La situation socio- sanitaire des résidents • La représentation symbolique de la maladie, de la santé et de l’accès aux soins • Les relations avec l’environnement socio- sanitaire et institutionnel de proximité • Les besoins et leurs attentes.

Dans un second temps, le deuxième point était porté sur • D’évaluer la pertinence entre l’offre et la demande • D’analyser les relations entre les partenaires et les résidents • De préciser la prise en compte des difficultés des résidents par les partenaires, leurs possibilités et leur limites d’action.


II. Diagnostic participatif, quelques considérations méthodologiques

a. Le diagnostic participatif, un défi à relever.

Au delà d’un diagnostic, ce rapport d’étude , vise à être le premier pas vers la mise en place d’actions répondant aux besoins pré- évalués. Ce travaille ne se voulait pas un simple diagnostic, mais visait à envisager des projets en adéquation avec les besoins évalués. Ainsi, ce diagnostic devrait être un outil préalable à une amélioration réelle. Il devait être conceptualisé et conçu dans cette démarche à long terme. De plus, dans un souci d’efficacité et de véracité, les résidents devaient être acteurs de ce projet, ne pas être objet d’enquête, mais des sujets promoteur de leur santé, de leurs besoins et de leurs attentes. C’est dans cet objectif que nous avons décidé de concevoir le diagnostic, au-delà d’une évaluation, comme le premier pas vers des changements notoires. Nous avons jugé essentiel d’adapter notre méthodologie à cette considération. Pour ce faire, les critères retenus pour poser les bases d’un changement sont issus des constats suivants :

- Les actions socio- sanitaires dans les foyers, un désenchantement.

Les foyers de travailleurs migrants sont des lieux où, au fil des années, se mobilisent de nombreux acteurs sociaux. Si le désir du réseau social (associatif et institutionnel) d’agir dans les FTM est bien réel , par contre, les actions qui en découlent ne sont pas toujours pérennes ou efficaces. L’évaluation qui en est faite par les résidents n’est pas souvent élogieuse du fait qu’ils ne « voient rien changer. » Ainsi, les résidents constatent que de nombreux travailleurs sociaux « passent », que des études s’effectuent, mais « mais [que] ça ne change rien. Il n’y a jamais rien qui change », et gardent une impression d’échec, de désenchantement, voir d’être abusé. Le même sentiment de frustration est fait par les acteurs socio- sanitaires. Si le désir d’agir, si les actions mises en place au sein des foyers sont nombreuses, la difficulté d’entrer dans les foyers, de rendre les actions pérennes et efficaces sont mises en avant. Face au constat partagé avec les résidents de la difficulté de les mobiliser, nous avions décidé, avant de mettre en place le recueil des données, une phase de pré- enquête constituée de la rencontre avec le comité de résidents , d’une évaluation de leur demande, et commencer par une observation informelle. Ces étapes ayant comme but de se familiariser avec le foyer et ses résidents et d’envisager des premières hypothèses de travail.

- Le diagnostic participatif comme premier pas vers l’investissement de sa santé.

Notre connaissance en matière de migration, notre travail quotidien avec des migrants d’Afrique Subsaharienne, nous permet de dire qu’il peut exister, une réelle difficulté de prise en charge de sa propre santé. Devenir acteur de sa santé ou de son intégration dans le pays d’accueil est préalable à une prise en charge efficace, et à une amélioration des conditions de vie. C’est en sachant évaluer ses propres conduites, ses propres projets, en comprenant le système socio- sanitaire et les maladies…c’est en ayant un regard critique sur soi et son environnement qu’une prise en charge efficace et globale peut s’effectuer avec succès. Ainsi, la démarche élaborée visait à investir les résidents des foyers au projet du diagnostic par une période de sensibilisation conséquente, et un recueil de données basé sur la libre participation.

- Le diagnostic participatif comme outils d’accompagnement d’une réflexion critique.

Avoir une réflexion critique sur soi et son environnement est certes un moyen efficace d’envisager des changements, mais est loin d’être chose aisée. Nombreux sont ceux qui ne s’estiment pas capables de porter un regard critique, et ceux d’autant plus quand il s’agit de santé, domaine souvent conçu comme trop spécialisé pour pouvoir le remettre en cause. Pour certain migrant, il en est d’autant plus difficile qu’ils peuvent se dévaloriser et se juger mal placé pour donner leur point de vue : « c’est eux (les autres, Français) qui savent ». Nombreux sont ceux qui nous font part de leur manque d’instruction, et estiment que le système médical français « est le bon et ne doit pas être remis en cause ». Comparant le système français à celui, souvent insuffisant et critiquable, de leur pays d’origine, ils ne s’estiment pas le droit de porter un regard critique sur tout le domaine médical, ni sur eux-mêmes. Ils s’en remettent donc à leurs interlocuteurs, qui sont, de fait, plus au courant et donc mieux placés pour pouvoir envisager la santé et leur santé. Or même si le domaine médical est certes spécialisé, chacun a sa propre opinion, sa propre façon de concevoir la médecine et les soins, chacun possède des attitudes, des comportements ou des valeurs auxquels il se réfère, consciemment ou non, qui déterminera les comportements face à sa santé. Le pari que nous avons fait avec ce diagnostic était de faire prendre conscience que chacun pouvait apporter un regard critique, de favoriser la prise de conscience et les questionnements, afin de trouver par eux-mêmes des réponses adaptées à leurs besoins. C’est dans cet optique que le recueil des données s’est fait par entretien semi- directif, construit pour favoriser la verbalisation et accompagner la réflexion des résidents.

b. Description de la démarche mise en place. Les différentes étapes à la réalisation de l’étude ont été les suivantes :

- Le travail avec le comité de résidents.

Nous avons intégré le comité de résidents à la mise en place du diagnostic au regard de leur connaissance du foyer. Ce travail partenarial à permis d’appréhender, en amont, les principales difficultés connues des résidents, de prendre en compte la demande des délégués et de réfléchir sur la meilleur démarche à mettre en place afin de pallier au manque d’investissement, aux difficultés « d’entrer » dans les foyers. Lors de ces rencontres les attentes réciproques ont pu être exprimées, la démarche validée, et un réel partenariat avec le comité de résidents crée. De plus, afin de faciliter nos prises de rendez-vous, le contact des leaders associatifs nous a été donné. Leur investissement est tout aussi important que celui des délégués, car, habitués et investis dans divers projets de développement local , leur compréhension et investissement au projet étaient total, et les réflexions émergeant de nos rencontres fructueuses.

- Présentation du diagnostic socio- sanitaire à l’ensemble des résidents.

Le comité de résidents nous a invités à une assemblée générale interne au foyer afin de nous présenter à l’ensemble des résidents. 15 résidents étaient présents ce qui correspond à un nombre important pour une réunion au sein du foyer. Cela a permis de « mettre un visage sur un projet » et d’avoir des premiers contacts.

- Période de sensibilisation et recueil des données.

Comme nous l’avions envisagé avec le comité de résidents, une période de sensibilisation importante a été nécessaire. Il s’agissait d’intéresser et de mobiliser au maximum les résidents, afin que ce soit sur libre adhésion que se fassent les entretiens. Comme prévu, l’intérêt porté à ce genre d’étude était limité, il a donc fallu, en plus des différentes étapes précédentes, laisser le temps nécessaire à la mise en place du recueil des données . Une réflexion particulière sur les préconisations nous a été demandée par les commanditaires de l’étude. C’est pourquoi, le guide d’entretien utilisé devait permettre d’accompagner l’interviewé dans son analyse critique de sa situation actuelle, aboutissant vers des préconisations. Selon les individus, des idées d’actions concrètes ou des indications qualitatives ont émergées.

- Restitution et validation avec les résidents participants .

Suite à une première analyse du diagnostic, une restitution publique a été faite au sein du foyer. Cette étape marque la fin du recueil des données. Il s’agissait de faire le point sur le foyer, les principales difficultés, les différents recours actuels et les propositions faites lors des entretiens.

- Entrevue avec les partenaires de proximité.

Cette dernière phase visait à rencontrer les partenaires réels du foyer, mais également les structures non partenaires de droits communs pouvant répondre aux besoins des résidents. Ces rencontres visaient à réfléchir avec les acteurs socio sanitaires de proximité sur la situation dans les foyers, d’analyser avec eux les éventuelles difficultés à travailler ensemble, et quelle possible implication. En vu du nombre important de structures existantes, non avons choisi de rencontrer les partenaires actuels des foyers, les centres de soins gratuits, les assistantes sociales de secteurs et associatives spécialisées dans le droit des étrangers.

c. Difficultés et limites de l’action.

Personne ne peut nier les difficultés de vie des résidents de foyer. Il existe, pour la plupart d’entre eux une réelle demande de changement. Qu’elle soit clairement exprimée ou sous-jacente à leurs « plaintes », peu de résidents pose un regard positif sur leurs conditions et leurs trajectoires de vie. Si changements et améliorations sont attendus, peu de résidents y croient vraiment. Ainsi, s’il paraît essentiel, avant la mise en place de changement opérationnel, d’effectuer un travail de diagnostic, les résidents ne voient pas tous l’intérêt d’un tel travail. Ne pouvant pas s’engager sur des promesses réelles de changement à court terme, l’intérêt des résidents pour un diagnostic « de plus » est limité et ceux d’autant plus en ce qui concerne la santé. La régularisation de nombreux résidents, les difficultés et les conditions de travail précaire, la participation à des projets relatifs au développement de leur commune ou village d’origine sont prioritaires. De plus, la méfiance et la tension sont palpables au sein de foyer. Le contexte politique crée davantage un climat de peur et de suspicion. Les enquêtrices ont été considérées comme des policiers. Comment faire alors pour mettre en place un travail participatif quand les principaux concernés se méfient ? Comment dissiper les doutes sur nos réelle identité et missions. Pour que ce travail soit pertinent, les personnes rencontrées devaient nous accorder la confiance nécessaire à la « confidence », à la réflexion…et ceux d’autant plus quand les personnes sont dans des situations irrégulières ou la peur conditionne leur relation aux autres.


III. Hypothèses de travail

Afin de pallier à ces difficultés majeures, et préférant effectuer un travail qualitatif favorisant la libre expression et la libre participation, nous avons choisi de travailler à partir d’hypothèses de travail. Les hypothèses qui se sont dégagées suite à l’analyse des rencontres avec le comité de résidents et l’observation étaient les suivantes :

- La reconnaissance juridique et administrative est posée comme préalable à toute démarche d’accès aux soins.
- La représentation de la santé influencent l’accès aux soins, le symptôme étant le déclencheur de comportements curatifs. Les comportements préventifs n’étant pas privilégiés.
- Le foyer étant un lieu de précarité socio-économique, cela a des conséquence sur la vulnérabilité psychique et physiques des résidents.
- Il y a une différence substantielle entre les aînés et les plus jeunes.
- Un public vieilli est d’autant plus vulnérable quand un contexte précaire comme les foyers de travailleurs migrants.

Afin de vérifier nos hypothèses de travail et dans un souci de représentativité de l’ensemble des résidents, nous avons élaboré notre échantillonnage en fonction des critères suivant :
-  L’âge
-  Nationalité et origine
-  La situation socio- administrative
-  Date d’installation en France et au foyer. Les situations de vie dans les foyers de travailleurs migrants divergent selon chaque personne, mais est commune quand à des situations « typiques ». Les parcours de vie sont souvent semblables, mais chacun les vie et y répond à sa façon. Les rapports d’étude par foyer visent à permettre une lisibilité aisée des situations de vie et des différents recours actuels. -----

Foyer Lorraine

FOYER LORRAINE 13-15 RUE DE LORRAINE 75019 Paris

Gestionnaire : La Soundiata, association loi 1901 Propriétaire : organisme HLM, SIG ( ?) Nombre d’étage : 8 Nombre de chambres : 127 Surface des chambres : 11m² / 15 m² / 16.5 m² Nombre de lit : 183 Nombre de résidents officiel : 179 Nombre de résidents estimé : 220-260.

I. DESCRIPTION DU FOYER. En 1979, face aux conditions de vie « lamentables et insalubres », les résidents du foyer St-Denis (216, rue St- Denis Paris 2ème) militent pour être reloger de façon décente. Suite à de nombreuses négociations entre la Soundiata (gestionnaire du foyer de Saint-Denis) et les résidents, sont construits deux foyers (Foyer de Lorraine et foyer Hautpoul) dans lesquels sont relogés l’ensemble des résidents du foyer de Saint-Denis, y compris les surnuméraires. Les négociations ont également abordées le type d’architecture à mettre en place pour satisfaire les résidents. Le 17 mars 1979 s’ouvre le foyer Lorraine. A cette date, aucune réhabilitation n’a été réalisée. Seul des travaux d’entretien sont régulièrement effectués. Par contre, le passage en résidence sociale est prévu en 2007.

a. Le foyer, l’habitat.

- Le rez-de-chaussée, lieu de sociabilité.

Le rez-de-chaussée est composé d’une cuisine collective, d’un réfectoire, d’une « salle de jeu », d’une grande salle de réunion, d’un bureau particulier, du logement de l’homme d’entretien, et du bureau du gestionnaire. C’est également au rez-de-chaussée que sont présents quotidiennement des commerçants, mettant à disposition des produits simples répondant à des besoins matériels quotidiens (ex : cigarettes, vêtement, vidéo africaine…) La cuisine collective, bien que principalement utilisée par les résidents du foyer, est ouverte et utilisées par tous. Deux équipes de femmes gèrent cette cuisine , elles travaillent indépendamment du foyer, en payant une participation aux charges de 100 € par mois et par équipe. Leurs interlocuteurs principaux au sein du foyer sont les délégués. Nombreux sont ceux qui apprécient le fonctionnement et la disponibilité de cette cuisine, même si les conditions d’hygiène et la qualité de la nourriture sont parfois remises en cause. La salle de réfectoire donne aux résidents un lieu de rencontre autre que leurs propres chambres. Il en va de même pour la salle de jeu. Cette dernière est un lieu où se réunissent les résidents et les visiteurs autour de divers jeu (cartes, dames…). La salle de réunion est réservée aux services de changement de draps, et aux diverses réunions (assemblées générales, réunions associatives, autrefois cours d’alphabétisation…) Enfin, un local un peu enclavé au sein même du foyer est réservé au comité de résidents. A l’origine, ce local était une chambre de passage, mais après négociation, le comité de résidents obtient ce local.

Cette brève description permet de visualiser le rez-de-chaussée et montre l’importance de la présence des espaces collectifs. Ils deviennent un lieu de rencontre, d’échange… La forte fréquentation des lieux nous permet de dire que le rôle de sociabilité proposé par les salles collectives du foyer est investi par les résidents.

- Les espaces privés.

Le foyer a une capacité d’accueil de 182 lits répartis comme suit :
-  21 studios de 1 lit chacun, d’une superficie de 16.5m².
-  51 chambres de 1 lit, d’une superficie de 11m²
-  55 chambres de 2 lits, d’une superficie de 15m²

Visualiser le foyer par unité de vie permet de comprendre l’organisation interne au foyer. Le foyer est composé de 76 unités de vie , une unité de vie se compose d’une ou plusieurs chambres, sachant que chacune des chambres est composé d’un ou plusieurs lit, le nombre de résidents par unité de vie varie donc de 1 à 6. Chaque unité de vie possède une cuisine « privé », un réfrigérateur en plus de la cuisine collective, une douche et des sanitaires. Il faut ici, pour pouvoir imaginer les conditions de logement, préciser qu’il est rare, de trouver une chambre uniquement occupée par ses résidents officiels, chacune d’elle hébergeant au moins une personne supplémentaire. Le phénomène de sur-occupation est connu et bien réel au foyer Lorraine, ainsi il n’est pas rare de voir dormir 4 personnes dans une pièce de 15m², initialement prévue pour deux personnes. Nous nous trouvons face à une promiscuité accrue, à un manque d’espace privé, à la fois subi et dénoncé par les résidents. La plupart nous font part de cette sur-occupation. Conscients que c’est interdit mais dans l’impossibilité de refuser d’héberger des proches, ils assument cette situation de vie en reconnaissant les difficultés que cela pose .

b. Historique du foyer.
- Le regard du comité de résidents : l’engagement de Lorraine. Le militantisme des résidents du foyer Lorraine date depuis sa création. Les négociations pour le relogement de tous les résidents du foyer de Saint-Denis, y compris les surnuméraires, ont été prise en compte et ont permis aux résidents d’être relogés lors des négociations. Pour avoir « plus de poids », les résidents se sont organisé en association loi 1901 représentée par les délégués du foyer –ASSREFLO (ASSociation des RÉsidents du Foyer LOrraine.)- ce qui lui confère une reconnaissance et une capacité d’action plus large (possibilité de demander des subventions, reconnaissance statutaire…). Elle vise à participer aux activités socio- culturelles du réseau de proximité et au sein du foyer. La mobilisation de l’association a permis la mise en place de la télé Malienne au foyer et a assumé de nombreuses négociations avec les gestionnaires et avec de nombreuses structures de proximité…Depuis toujours, l’association des résidents du foyer Lorraine est garante d’une cohésion sociale interne au foyer.

I. Les faits marquants Jusqu’en 1999, une assistante sociale du SSAE (Service Social d’Aide aux Emigrants) tenait une permanence au foyer. Selon les résidents, cette présence à permis le déblocage de nombreuses situations, et elle a également su présenter des associations de proximité aux résidents en organisant des actions collectives, des réunions…favorisant ainsi la rencontre entre acteurs socio- sanitaires et les résidents du foyer. Cette permanence a été très appréciée, permettant à tout à chacun d’avoir un interlocuteur au sein du foyer assurant l’écoute et offrant un temps nécessaire à la résolution de situations souvent complexes. Au dire des résidents, mais aussi du gestionnaire, si cette assistante sociale a pu travailler au sein du foyer, c’est que les résidents lui ont accordé toute leur confiance. De cette manière, les résidents nous montrent l’importance de la relation interpersonnelle au-delà du rôle de l’acteur. Suite au départ de l’assistante sociale, la Soundiata a tenté de mettre en place une nouvelle permanence, mais cette action n’a pas abouti. Apprécier une assistante sociale puis rejeter une seconde sous couvert d’une non confiance montre l’importance accordée par les résidents à la connaissance réciproque. Ainsi, cela nous laisse penser que, hormis l’intérêt porté aux compétences d’un intervenant, une place très importante est accordée à la personne elle-même, et au degré de confiance qui lui est apporté. Il s’agit donc, de tenir compte du temps nécessaire aux présentations et de sensibilisation avant de pouvoir mettre en place des actions au sein du foyer. Soulignons également l’intérêt d’être introduit par un résident du foyer reconnu comme leader associatif ou représentant des résidents, facilitant ainsi la prise de contact. En 1994, puis en 1997, des journées portes- ouvertes ont été organisées lors des fêtes de quartier, avec une mobilisation importante des associations de quartier. L’idée était de faire connaître le foyer aux habitants et aux associations de quartier, afin d’une part de faciliter l’ouverture des uns envers les autres, et d’autre part de valoriser les activités associatives des migrants résidants au foyer Lorraine (association de développement local au pays d’origine). A partir de ces expériences, une vidéo intitulée « Bienvenu au foyer Lorraine », est réalisée. Elle présente l’historique du foyer et les différentes activités y existant et visait à renforcer les liens avec l’extérieur, tant par sa réalisation que par sa diffusion.

Ces dates importantes dans l’histoire du foyer ont montré une bonne intégration du foyer dans le quartier. La mobilisation de l’association ASSREFLO et celle des organisateurs de la fête du quartier témoigne de l’ambition d’ouverture réciproque, et « d’intégration » du foyer au sein du quartier. Au regret des résidents, ces évènements n’ont pas été reconduits. Ils reconnaissent ne plus avoir vraiment le temps et la motivation pour organiser de tels évènements. Toutefois, ils ont marqués un partenariat étroit entre une association de quartier : J2P et le foyer. (Revoir le projet) Depuis cette époque, le temps n’est plus aux festivités, le comité de résident est à nouveau engagé dans des luttes sociales.

II. Présentation des résidents. Comme nous l’avons dit, le foyer Lorraine compte 183 lits, et 179 résidents officiels. Les statistiques internes du foyer ne sont pas actualisés, et ne sont donc pas représentatifs de l’ensemble des résidents. Par conséquent, il est difficile, voir impossible de connaître avec exactitude l’identité des résidents du foyer. Les fichiers de recensements sont rendus obsolètes du fait que les chambres, inscrites au nom d’un résident, sont habitées par un ou plusieurs membres de sa « famille ». Ainsi, la tendance à voire les résidents du foyer vieillir est à relativiser puisque beaucoup repartent vivre dans leur pays d’origine, et sous-louent leur chambre. De plus, outre, les sous-locataires, un nombre important de surnuméraires est présent au sein du foyer. Censé être hébergé pour un temps plus ou moins court, cette situation provisoire se pérennise.

Ainsi, la seule certitude concernant les résidents du foyer est de dire que tous les lits sont occupés, et qu’est présent un nombre important de surnuméraires impossibles à quantifier. L’estimation qui en est faite par les délégués est de environ un tiers en plus, soit environ 230 résidents.

Nous avons noté deux vagues d’arrivée au foyer. Le premier groupe installé au foyer - entre sa construction (1979) et la fin des années 80, et le deuxième, arrivé à partir de 1999 jusqu’à aujourd’hui. Notons qu’il n’y a que deux personnes arrivées entre 1989 et 1999. Nous pouvons également remarquer que le taux de résidents dont le foyer est le premier lieu de vie a augmenté par rapport aux groupes des aînés. Lorraine devient donc un lieu d’accueil des nouveaux migrants , qui s’installent progressivement ; et un lieu de vie pour personnes vieillissantes qui n’ont pas « réussi » ou voulu en partir. De plus, ces deux groupes se différencient non seulement par leur date d’arrivée, mais également par leur âge. En effet, la moyenne d’âge des résidents installés dans les années 80 est de 52 ans, et celle installée dans les années 2000 est de 29 ans.

Nous pouvons donc considérer que le foyer se caractérise par une population scindée en deux groupes. Une partie conséquente installée de longue date au foyer entre 45 et 72 ans et une seconde tout aussi conséquente de jeunes âgés de 23 et 35 ans. Cet écart générationnel n’est pas sans impact sur les relations interpersonnelles. Les aînés ne se retrouvent pas toujours dans le mode de vie des plus jeunes, et réciproquement. Cette difficulté de « vivre ensemble » est accrue par les conditions de promiscuité.

Situation administrative et précarité : Différents critères peuvent être pris en compte pour évaluer la précarité des personnes. Dans le cas de personnes migrantes, considérer la situation administrative en est un préalable, car elle va déterminer l’accès aux droits communs, la possibilité de travailler…

L’étude montre une diversité de situations économiques et sociales. Cependant, là encore nous pouvons mettre en exergue deux grandes tendances.

- Ceux qui sont inscrits dans une situation administrative stable permettant d’envisager un parcours professionnel à plus ou moins long terme, et à investir les dispositifs de droit communs. Ces résidents sont âgés majoritairement de plus de 35 ans et occupent en générale des postes peu qualifiés, avec des conditions de travail difficiles et une rémunération assez faible. Notons que le taux de chômage représente 15 % des personnes en droits de travailler, et que tous les postes occupés sont à durée indéterminée. Le regard porté par les résidents sur leur condition de travail est assez positif, même si, les sentiments de fatigue et de dureté sont récurrents.

- Ceux inscrits dans une situation instable (séjour précaire et irrégulier) ne leur autorisant pas le droit au travail. Ce no man’s land administratif les met dans une situation complexe face au travail et à l’investissement des structures de droits communs. Ces personnes, âgés au plus de 35 ans, choisissent de travailler dans l’illégalité, d’utiliser le « système D » (emprunt de papiers d’un homonyme, travail au noir) pour trouver des emplois ponctuels (souvent journalier) leur permettant ainsi un recours à une situation économique critique. Pour ces gens, la vie au foyer est le seul recours possible à leur situation critique, puisqu’ils sont hébergés et nourrit par les résidents du foyer. Cette solidarité devient alors une question de survie, et participe par la même au renforcement des dépendances hiérarchiques interne au foyer (les plus jeunes, hébergés et nourrit sont redevables envers les aînés, eux- mêmes dans l’obligation de les hébergés.). A cette situation précarisante, s’ajoute la dette économique envers les membres de la famille et / ou village. Les premiers « salaires » serviront à rembourser cette dette économique.

- Raisons d’arrivée et d’installation au foyer : Historiquement, les premiers résidents sont des migrants issus des 3 pays du bassin du fleuve sénégal. Depuis, les nouveaux arrivants sont des membres de la famille ou du même village, ce qui explique que actuellement, le foyer est exclusivement habité par des personnes originaires du Mali, du Sénégal et de Mauritanie. Le projet migratoire est souvent initié et préparé de longue date, envisagé dans les lieux de vie au pays, avec la famille et avec les migrants déjà installés en France. Ainsi, le foyer devient un des premiers lieux de vie des nouveaux arrivants (70% des nouveaux arrivants). Les nouveaux souvent en attente de régularisation ou face à un refus de régularisation, en situation de précarité économique important, ne peuvent envisager un projet de relogement. Le foyer devient donc un lieu d’hébergement à long terme, « en attendant de trouver mieux ».

Or, quelle que soit la situation administrative et économique, le temps d’habitation au sein du foyer s’allonge et les possibilités de relogement sont extrêmement faibles. Pour les personnes en situations régulières, les raisons d’installations au foyer sont économiques. Impossibilité d’habiter un logement privatif parisien, réponses négatives de demande HLM…Le choix d’installation paraît être fait par défaut. De plus, hormis ce contexte économique et administratif, d’autres facteurs s’y additionnent. Les résidents du foyer sont en France afin de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille et plus largement de leur village (cotisation pour des caisses villageoise, investissement dans des projets de développement…). Les besoins individuels passent après les besoins collectifs favorisant les ressources de leur famille restée au pays avant les leurs. Ainsi, face à des ressources financières souvent faibles (voir inexistante), la priorité sera donnée à l’envoi d’argent au pays avant de penser à investir une part plus importante de leur budget pour se reloger. Ca en va, consciemment ou non, de leur survie sociale. Enfin, nombreux sont les résidents qui apprécient le foyer pour sa sociabilité et sa solidarité. Face à des situations de vie difficile, se retrouver « en famille » est capital et contribue largement à maintenir une stabilité psychologique, une reconnaissance identitaire indispensable pour faire face à leurs situations de vie.

Même s’il est considéré comme un hébergement transitoire, le foyer est un hébergement à moyen ou long terme. Entre une situation économique critique, une impossibilité de se projeter dans une situation régulière et d’envisager un autre type d’hébergement, les personnes en situation administrative précaire ou irrégulière n’ont autre choix que de s’installer au foyer. Les aînés quant à eux, ayant connus des trajectoires migratoires différentes mais tout aussi difficiles, et sous une « pression sociale » sont, consciemment ou non, obligés d’héberger les plus jeunes, donnant naissances à des situations de promiscuité accrues avec toutes les difficultés que cela pose. Le foyer fut et est toujours contenant d’une précarité administrative, mais, comme les conditions de régularisation sont de plus en plus strictes, le nombre de résidents en situation administrative précaire et irrégulière ne cesse d’augmenter. Or le rôle de conteneur de foyer a ses limites qui sont sur le point d’être atteinte.


Conclusion :

Le foyer Lorraine paraît donc être un bâtiment nécessitant de nombreux travaux de rénovation et réhabilitation. Les problèmes de sur occupation et donc de promiscuité sont revendiqués par tous, résidents comme gestionnaire, sans qu’aucune solution satisfaisante ne soit trouvée. Les négociations et discussions continuent mais n’aboutissent pas. Le foyer Lorraine est marqué par un engagement militant et associatif (même si celui-ci paraît diminuer en intensité), ayant comme finalité l’ouverture du foyer sur le quartier et la reconnaissance et valorisation des résidents. Les actions mises en place au sein du foyer, actuellement ou par le passées, tiennent une place importante dans la vie des résidents, même si la plupart désirent mettre en place de nouvelles activités.

Notre première hypothèse selon laquelle les personnes vieillissantes ne sont pas majoritaires au sein du foyer Lorraine se trouve confirmée. En effet, contrairement aux données concernant les résidents officiels que détient le gérant, nous observons une nette différence. Les aînés sont souvent de retour au pays et remplacés par leurs enfants, la population générale du foyer est donc rajeunie. La situation au foyer Loraine est donc en grand changement. Les plus aînés, s’ils ne sont pas déjà repartis au pays, sont dans un système d’aller – retour, avant un retour définitif, pas toujours facile à mettre en place. Se sont donc des personnes plus jeunes, membres de leur famille et / ou village qui vont reprendre leur place dans leurs chambres. Or les situations administratives de ses nouveaux résidents se précarisent par rapport à leur aînés. Critères d’attribution de titre de séjour plus strictes, précarisation administrative, système économique complexe (dettes économiques, personnes à charges au pays, impossibilité de travailler légalement…)…autant de facteurs précarisant davantage les nouveaux arrivants au foyer. Les projets d’avenir sont pour eux minces puisque leur situation administrative laisse peu de place à l’espoir. Un sentiment de peur et de stress est alors ressenti, sentiment accrue par la déstabilisation psychologique inhérente à la situation de migration. Le projet migratoire se construisant au pays, il est souvent bâti sur le fantasme d’une vie meilleure pour ses proches et en second plan pour soi. La désillusion est forte, il s’agit pour eux de pouvoir se construire un avenir et tenter de parer à cette nouvelle vie. La patience, le courage, la débrouille et la solidarité deviennent les mots d’ordre, dans l’espoir d’atteindre les 10 ans de vie en France afin de pouvoir voir leur situation administrative se clarifier. Le foyer, de part son fonctionnement hiérarchique, est garant d’une cohésion sociale interne au foyer, parant aux difficultés des plus jeunes. Mais c’est au prix d’une « tranquillité », d’un espace suffisant et d’une certaine qualité de vie. La dette symbolique de devoir « prendre en charge nos jeunes », parce que les aînés ont vécu cette situation, parce que les jeunes assureront des revenus à leur famille et à eux-mêmes quand ils seront au pays, parce « qu’on ne peut décemment pas mettre un proche à la porte », le foyer contient autant de résidents en situation aussi précaire. Or cette fonction garante d’un maintien dans une certaine dignité, pousse les limites de l’intimité, de la vie en famille tendant à être la vie en communauté…

Accès aux soins.

Etre en mesure de prendre en main sa santé implique aussi être inséré dans un système de soins signifie. Or, différents facteurs se croisent et influencent l’accès individuels aux soins. Le premier est la possibilité d’avoir une couverture maladie répondant ainsi au souci financier. Le second est la connaissance des dispositifs existants correspondant au mieux à ses besoins et à ses possibilités. Le troisième porte sur les représentations ; elles influencent les trajectoires thérapeutiques. La conception de la santé, de la maladie…vont déterminer le moment où l’individu va trouver opportun de mettre en place une stratégie de soins. Savoir quel type de trajectoire thérapeutique et quel accès aux soins les résidents du foyer mettent en place nous permet de vérifier l’hypothèse selon laquelle le recours aux soins est tardif, en connaître les raisons, et envisager des préconisations pour induire le changement si besoin est. Après un aperçu des principales pathologies dont souffrent les résidents, nous analyserons tout d’abord de quelle prise en charge socio- administrative les résidents bénéficient, quelles trajectoires thérapeutiques sont empruntées, à savoirs les « déclencheurs » à une démarche de soins, les recours aux soins, et enfin les représentations de la santé liées au maintien en bonne santé.

- I. Etat de santé des résidents : Malgré les pathologies évoquées, 48 % des résidents interrogés se disent en bonne santé et 1 personne nous dit ne pas connaître son état de santé. Ce constat nous interroge sur la représentation de la santé et de la maladie lié au fait de pouvoir « vivre normalement » et donc de travailler. Les principaux problèmes de santé sont des problèmes de tension et / ou de diabète (32 % de l’échantillon), des problèmes d’allergie et affections cutanées diverses (12 %), et des problèmes de sommeil (12 %), hormis les douleurs dites « de la vie quotidienne » comme les maux de tête ou d’estomac évoquées par la plupart . Soulignons également que deux personnes se trouvent dans une situation de troubles psychiques importants, dont une « souffre d’un syndrome maniaco-dépressif du à sa situation administrative irrégulière ».

- II. Un accès au soin conditionné par la situation socio- administrative. Comme nous l’avons souligné précédemment, le préalable à une prise en charge globale est la statut socio- administratif de l’individu. Sans une couverture maladie adaptée, la stratégie de soins mise en place par l’individu sera fonction de ses possibilités financières, et donc aléatoire, et ce d’autant plus chez des personnes précarisées. Dans les cas les plus graves, aucune démarche ne semble pouvoir s’effectuer, même en cas de nécessité absolue.

Cette représentation graphique illustre le type de prise en charge médicale des résidents du foyer. Notons le nombre important de personnes sans complémentaire, couverts par l’aide médicale d’état ou aucune couverture maladie. Les motifs invoqués à la non adhésion à une mutuelle complémentaire sont le coût des mutuelles, dépassant souvent le budget attribué à la santé. En cas de besoin, payer le tiers payant semble ne pas poser de problème sauf pour une personne. Cette dernière, face à un problème articulaire nécessitant opération et séances de rééducation, se retrouve dans l’incapacité de payer la partie complémentaire, et encore moins la rééducation nécessaire afin de retrouver ses capacités motrices. Ce cas illustre le danger encouru par les personnes choisissant de ne pas adhérer à une complémentaire. Conscient de ce danger, les résidents préfèrent encourir ce risque, incapables d’inclure dans leur budget la part de la mutuelle, les besoins prioritaires étant ailleurs et / ou leur revenu mensuel ne le leur permettant pas. Il existe un rapport entre le fait d’être couvert par une complémentaire et le l’activité salariale. En effet, les mutuelles auxquelles adhèrent les résidents sont celles mises à disposition par les entreprises à plus bas prix et directement retenu sur le salaire. De plus, un résident nous explique que son employeur ne propose plus de complémentaire et depuis, ne veut plus y adhérer pour des raisons financières. Mais il existe aussi le cas de personne en situation irrégulière qui, ayant pu travailler en empruntant l’identité d’un autre et donc couvert par la sécurité sociale. Cette stratégie permet d’avoir accès à des actes médicaux mais elle se confronte à ses limites lors d’une prise en charge plus importante.

Les bénéficiaires de la CMU et de l’AME sont exclusivement des résidents en séjour précaire et irrégulier. En considérant plus précisément la prise en charge des personnes couvertes par la CMU, nous remarquons que c’est en faisant une demande d’asile que la CMU leur est proposée. Or la question est de savoir de quelle couverture maladie ils pourront bénéficier en fin de droit et en cas de refus du droit d’asile, si toutefois leur intérêt est porté à cette recherche. En effet, les personnes qui n’ont actuellement aucune couverture maladie (près de 25 % de l’échantillon) sont des résidents ayant bénéficié de la CMU dans le cadre de leur demande d’asile, mais n’ont pas cherché a poursuivre leur démarche par inintérêt ou méconnaissance. Les résidents ne bénéficiant d’aucune couverture maladie admettent soit ne pas être au courant du dispositif d’AME, soit, ne pas estimer nécessaire d’investir ce dispositif car « (ils) ne sont jamais malade ». L’accès aux soins va dépendre alors de l’évaluation qu’ils font de leur propre santé, plus précisément de la présence ou non de maladie. Si dans le cadre normatif recours aux soins et accès aux soins sont bien deux concepts différents, dans ces situations où il n’y a aucune prise en charge administrative, ces deux concepts ne sont pas différenciés.

- III. Le recours aux soins, quelles trajectoires thérapeutiques. Le statut administratif est le préalable à une bonne prise en charge médical, mais il ne fait pas tout. Le constat fait par les professionnels sanitaires est celui d’une arrivée tardive aux soins chez les personnes en précarité. La maladie étant déjà bien avancée, il est plus difficile de la soigner. C’est pour répondre à ce souci qu’i lest essentiel de comprendre les trajectoires thérapeutiques qu’empruntent les résidents. L’analyse suivante permet de détailler les trajectoires thérapeutiques des résidents. Dans un premier temps il s’agit de comprendre quels sont les « déclencheurs » qui donnent lieu à une démarche thérapeutique, quels sont les principaux recours aux soins et enfin quelles sont les représentations des déterminants de santé évoqué par les résidents qui influencent la santé.

- Quels sont les « déclencheurs » d’une démarche thérapeutique. La première question afin de comprendre les trajectoires thérapeutiques des résidents est de savoir à quel moment et dans quel cas ils décident de consulter un professionnel de la santé. Nous avons rencontré deux cas de figure. Le premier, est celui des personnes qui consultent régulièrement un médecin pour un suivi régulier (40% sur échantillon). Ces suivis sont majoritairement déclenchés par une pathologie. Seul deux personnes disent rencontrer régulièrement un médecin pour « vérifier la santé ». Soulignons le fait que, hormis deux résidents en situation irrégulière suivis sur une pathologie spécifique, ce groupe est composé de résidents en situation régulière. Le fait de bénéficier d’une complémentaire maladie n’est pas en lien avec le fait d’être suivi régulièrement par un médecin. Dans ce cas, le choix d’être suivi dans une conception préventive de la santé dépend d’un choix personnel et / ou d’une pathologie déclarée nécessitant un suivi médical spécifique. Un regard particulier est posé pour les personnes vieillissantes vivant temporairement en France et au pays. Ils sont totalement intégrés dans un système de soins, puisque profitent de leur retour en France pour effectuer un bilan de santé.

Le deuxième cas de figure est celui des personnes consultant un professionnel selon la présence ou non d’une pathologie (60% sur échantillon). Aucun ne s’estime suivi par un professionnel et leur choix de consulter un médecin se fait en fonction de la présence d’une pathologie avérée. Le choix de consulter dépend alors de l’auto- évaluation qu’ils font de leur propre santé et de leur impression à être malade. Or pour beaucoup, ils estiment n’être jamais malade donc ne consultent jamais de professionnels. Notons qu’aucune personne en situation précaire ou irrégulière ne consulte régulièrement un médecin, hormis deux personnes suivis pour des pathologies spécifiques. Ainsi, ces cas de figure sont directement corrélés, non pas à la prise en charge socio- sanitaire de leur santé, mais à leur situation juridique sur le territoire français.

Ainsi, les personnes en situation administrative stable sont davantage enclines, à investir des stratégies de soins préventives, alors que les personnes en situation administrative précaire ou irrégulière sont davantage dans une prise en charge curative de leur santé. Si le déclencheur d’une démarche thérapeutique est l’auto- évaluation de la santé, quelles sont alors les conceptions de la maladie.

- La notion de maladie, déclencheur de démarche de soins. La plupart des résidents considèrent la santé comme un état de bien être général, souvent en lien avec le fait de « bien manger et bien dormir ». Tous reconnaissent qu’être en bonne santé c’est ne pas être malade ou ne pas avoir de douleur. Or, si la conception de la santé correspond à la définition de l’OMS « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », les comportements d’accès aux soins ne sont pas en adéquation avec cette conception de la santé. La plupart attendent un état de mal être physique, une douleur, une pathologie avérée avant de mettre en place des stratégies d’actions. La notion de mal-être physique quant à elle est personnelle. Nombreux sont ceux se plaignant de douleurs (mal de gorge récurrent, problème de peau, difficulté de sommeil…), mais ne sont pas assez « graves » pour consulter un professionnel. Et même quand ce symptôme fait l’objet d’un diagnostic, le suivi est « étroitement lié à leur finance : « je suis allé voir un médecin pour un mal de gorge, ça va pas mieux, mais je n’y retourne pas. » La maladie est donc corrélée à la notion de symptômes physiques et à la douleur, celle- ci devant être assez forte et handicapante pour nécessiter une prise en charge (négligeant alors les maladies) asymptomatiques, et ceux d’autant plus chez les personnes en situation administrative précaire ou irrégulière. Le recours aux soins est donc tardif surtout chez ces résidents.

- Le recours aux soins. Quelque soit le type de couverture sociale, les résidents consultent prioritairement un médecin de ville, et ce de façon régulière. Contrairement à ce à quoi nous aurions pu nous attendre, l’hôpital n’est pas le premier des recours Ceci est d’autant plus vrai pour les personnes vivant dans « l’aller-retour » et nécessitant un suivi thérapeutique. Pour ces personnes, le retour de quelques mois en France est l’occasion de faire un bilan de santé et de se munir des traitements dont ils ont besoin quand ils retournent dans leur pays d’origine. Pour les personnes sans couvertures maladies, le recours au soin dépend de leurs possibilités financières. Ils attendront d’avoir récoltés suffisamment d’argent pour consulter un médecin et / ou aller à la pharmacie acheter les médicaments dont ils ont besoin. S’adresser directement à un pharmacien permet d’avoir un remède sans avoir à payer la consultation. La grande majorité ne semble pas connaître l’existence des centres de soins gratuits. Cela évoque les problèmes de visibilité et de lisibilité de l’offre de soins.

- Représentation de la santé : Si la mise en place de stratégies de soins dépend beaucoup de la présence ou non de symptôme, nous avons voulu voir si la conception de la santé était en adéquation avec ce type de démarche. Il s’agit alors de comprendre qu


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