Hacked By Awad Sahar

Dispositif FLS au Collège Méliès

vendredi 18 mai 2007

La définition du groupe FLS repose sur l’expérience, souvent récente, de la migration. L’objectif général du dispositif consiste à proposer des outils tant méthodologiques que linguistiques et/ou culturels à des élèves nouvellement intégrés en classe banale au collège, pour qui les habitudes scolaires, les méthodes des enseignants et leurs attentes vis à vis des élèves, le fonctionnement de l’école (spatio-temporel, relationnel …) sont souvent éloignés de ceux qu’ils avaient intériorisés dans leur pays d’origine. Les cours de FLS sont donc élaborés pour répondre aux besoins d’un public précis à une période donnée dans un but clairement établi d’intégration scolaire. L’association RNTH, en partenariat avec Sandra Bonnière, responsable d’une classe FLS de 30 élèves, propose actuellement un atelier d’expression au sein de la classe.

LE CONTEXTE DU GROUPE FLS : QUELQUES SPECIFICITES

-  L’hétérogénéité d’âge : de 10 à 16 ans ; période de grande maturation physique et mentale qui induit des comportements d’apprentissage et des centres d’intérêts très variés.
-  La variation des acquis langagiers et linguistiques en français : d’une communication de base très ardue à une grande fluidité et une compréhension aisée du lexique des disciplines.
-  La multiplicité des cultures et langues d’origines présentes qui vont de pair avec des représentations généralement disparates des contenus, méthodes et finalités d’apprentissage. Dés lors, les nouveaux savoirs présentés aux élèves ne s’insèrent pas dans un contexte porteur de sens pour eux. Qu’est ce qu’on m’apprend ? Pourquoi on l’apprend ? A quoi ça va servir ? Pourquoi ce qui est important ne compte pas ici ? Dans ces conditions, apprendre ici est ressenti comme s’éloigner de ses origines et de sa famille voire de les renier, ce qui sur le plan psychique est extrêmement lourd à gérer. L’acquisition de nouveaux savoirs peut alors s’avérer délicate dans la mesure où elle renforce la rupture inhérente à la migration. Cependant, l’enfant est porteur des attentes de ses parents, des siennes propres pour son avenir. Il cherche également à intégrer le nouveau groupe des pairs. L’école est souvent le lieu de tous les espoirs de réalisation (professionnelle et plus largement personnelle), au moins dans un premier temps. Alors à défaut de liens entre ses appartenances et l’école (comme fil conducteur entre d’où il vient et où il va), l’élève s’installe généralement dans une posture de conformisation aux demandes scolaires (telles qu’il les perçoit) pour accéder aux apprentissages. Celle-ci peut permettre d’atteindre un niveau scolaire correct mais elle se révèle inefficace en ce qui concerne la réflexion personnelle et la prise d’autonomie dans les apprentissages. Ces paramètres sont pourtant de plus en plus nécessaires au fur et à mesure de la scolarité. Par ailleurs, il est fréquent que l’élève rejette cette posture à l’adolescence au cours des remaniements identitaires.

La pratique avec différents groupes de FLS a fait apparaître certains points de vulnérabilité récurrents qu’il me semblait essentiel de travailler.

- la mixité en classe est une situation difficile pour certains (les filles principalement).
-  la prise de parole en classe : elle n’est pas une évidence pour tous ; dans certains systèmes scolaires, les élèves ne parlent ni individuellement ni spontanément en classe. De plus, prendre la parole revient à s’exposer devant l’enseignant « évaluateur » et le groupe des pairs, avec la crainte de ne pas comprendre ou ne pas être compris (les jeunes migrants jugent leur niveau de langue très sévèrement), de se tromper (c’est à dire ne pas répondre à l’attente de l’enseignant) et finalement d’être moqué voire rejeté. Laisser entendre sa voix c’est laisser entendre ses différences, ses écarts à la norme, réelle ou fantasmée, à cette période d’adolescence où l’on cherche ses « semblables », où la reconnaissance des pairs est un enjeu crucial à la construction identitaire. Or la plupart de ces jeunes éprouvent leur différence au quotidien et ne se sentent donc pas reconnus / ne se reconnaissent pas comme membres du groupe des pairs. Ainsi, la participation orale d’un élève pourrait aussi le signe qu’il sent sa place légitime (car légitimée) dans le groupe ou tout au moins qu’il se sent autorisé à la revendiquer. Dans ce sens, la réaction de repli voire de mutisme tout comme la prise de parole « débordante » relèverait (entre autres) de la problématique du positionnement dans le groupe. (Cf Abdoulatif ?) Celui-ci représenterait alors un enjeu pour l’intégration scolaire


LES REPONSES PROPOSEES / ANALYSE DES BESOINS

Utiliser cette complexité comme une richesse :

-  expliciter les codes, les méthodes, les attentes, les contenus d’apprentissage et le contexte scolaire
-  faire émerger et accueillir les représentations dans ce domaine et celles relatives à l’altérité pour mieux comprendre et assumer le regard de l’autre à savoir « les Français ».
-  restaurer l’estime de soi (dont les effets sur les motivations à apprendre et les capacités à être entreprenant sont avérés) par la reconnaissance de la valeur culturelle et collective (ex : algèbre arabe ; de l’expérience des parents et de leur parcours migratoire ..) Remplacer une vision de déficit qui renvoie toujours un regard négatif à l’enfant (« il ne comprend pas » ; « dans son pays, on ne rationalise pas » …), par une expérience différente à reconnaître, à valoriser comme une plus value personnelle par rapport aux autres, pour permettre d’enclencher de nouveaux savoirs et savoir- faire sans créer de rupture avec ceux acquis antérieurement.
-  enclencher une dynamique de groupe : travail en groupes, en binômes (celui qui sait avec celui qui ne sait pas / un jeune avec un aîné / un garçon avec une fille / par affinités …)
-  amorcer une réflexion sur la langue : de communication (la place du corps dans la communication) / langue des disciplines. Il s’agit d’amener à une prise d’autonomie dans les apprentissages et les interactions qui pourra être transposée dans le groupe classe banale et au collège.

Cette démarche vise à faire prendre conscience qu’il y a une place pour chacun dans la classe et du rôle complémentaire de chacun pour s’enrichir les uns les autres. Elle pourrait être définie comme une recherche de valorisation individuelle par le groupe et pour le groupe.


ATELIER D’EXPRESSION LIBRE

Intentionnalité des ateliers :

Objectifs Spécifiques :

- Développer la confiance en soi et la créativité : En s’appuyant sur un travail de groupe et en permettant aux participants de trouver leur place en tant que « sujets » au sein du groupe. En cherchant à stimuler la créativité et la curiosité des jeunes tout en prenant plaisir au jeu et en respectant les contraintes et les limites du cadre En développant l’expression orale et corporelle par divers moyens.

- Travail sur l’identité (identité sexuée, culturelle, sociale…) : En abordant des problématiques qu’ils vivent au quotidien (violence, discrimination, recherche de repères…). En respectant et en valorisant les spécificités de chacun.

- Travail sur la communication verbale et non verbale : En se mettant en scène et en s’exprimant par le corps et par un discours construit ou improvisé, dans un espace contenant et sécurisant.

- Rencontrer d’autres adultes (non évaluateurs / hors institution) qui pourront représenter des personnes relais pour ces jeunes dans un autre cadre et dans un autre espace.

Objectifs Opérationnels :

- Utiliser l’improvisation théâtrale comme moyen d’expression et de découverte d’univers différents et de rôles différents présentés dans la spontanéité de l’ici et le maintenant et permettre aux acteurs de réagir positivement à toute proposition de jeux sans en exclure et donc sans exclure les autres du jeux et de leurs propositions parfois déstabilisantes.
- Avoir recours aux dispositifs du théâtre Forum pour mettre en scène certaines situations violentes et proposer ensemble des solutions pragmatiques à une situation qui nous est donnée comme relevant d’une réalité concrète d’une personne.
- Travailler sur les masques comme support de projection et d’identification.
- S’appuyer sur le rythme musical pour chercher et renforcer des synchronisations naturelles (culturelles, universelles, individuelles).
- Retrouver dans les contes des supports à l’expression de l’imaginaire et à la réorientation symbolique, et permettre par l’ouverture de l’invention de nouvelles histoires en groupe de trouver et de travailler sur une cohérence textuelle et un enrichissement du vocabulaire et des structures de récit.
- Avoir recours dans certains cas à un dispositif assez proche de celui du psychodrame Morénien (cercle de parole et espace de jeu – renversement des rôles, doublage…) pour essayer de donner du sens à des situations ou à des rôles qui se répètent durant les ateliers.

PRESENTATION DE L’ASSOCIATION ET DES ATELIERS

L’association « Raconte nous ton histoire » Une psychologue : Marielena Salazar Un psychologue art-thérapeute comédien : Wissam Kotait Situation géographique : rue Tanger (lien collège / extérieur)

MISE EN PLACE DE L’ ATELIER D’EXPRESSION

La 1ère séance Elle a été proposée aux élèves comme une sortie scolaire sur une séance de 3h le mercredi. Le thème proposé était de « faire du théâtre d’une autre façon ; apprendre à parler en groupe, raconter des histoires ».

Déroulement de la séance :
- Présentations du groupe avec des exercices rythmiques et corporelles.
-  Travail sur la notion d’espace et de mouvement de groupe par le bais d’exercices permettant la fusion-défusion, la rencontre ou le refus de se croiser.
-  Goûter
-  Improvisations assez cadrées dans lesquelles les participants sont invités a`imaginer des rôles et des caractères bien précis et de construire une histoire avec un thème proposé par les animateurs comme seul support.
-  Cérémonie du thé, en groupes de 4, chacun raconte un rêve à l’autre en mimant une cérémonie de thé, puis devenant dépositaire de l’histoire de l’autre, toujours en petits groupes, chacun décide de changer quelque chose de l’histoire de l’autre, pour enfin se retrouver en grand groupe et raconter les différentes histoires, qui auront toutes été sensiblement changées.

un 3ème animateur filmait la séquence et initiait les élèves à tenir la caméra.

Les réactions ont été variées : quelques unes enthousiastes mais la majorité des remarques mettaient en avant la difficulté voire le rejet. Seuls 4 élèves ont montré un désir spontané de réitérer l’expérience. Les résistances étaient de plusieurs ordres ; des résistances liées à la difficulté de la langue , aux représentations des apprentissages (pas de place au plaisir, au mouvement, aux échanges entre élèves), au regard de l’autre, à l’utilisation du corps pour s’exprimer (surtout en situation de mixité en ce qui concerne les filles).

Quelques retours d’élèves : « C’est dur de parler devant les autres. » « J’aime pas qu’on me regarde avec la caméra. » « Quand on n’est pas beaucoup c’est bien de raconter les histoires mais c’est nul quand y’a tout le monde ! » « C’était trop génial ! » « Avec les garçons, ils sont bêtes les garçons … » « C’est pas du travail. On n’est pas dans la classe et on nous fait parler c’est tout » « C’est difficile parler français ! » « C’est des trucs de bébés »

Réflexion après la 1ère séance

L’objectif premier était d’utiliser l’aspect ludique pour permettre aux élèves d’acquérir plus d’aisance langagière et communicationnelle (expression orale, participation en classe, relations avec les pairs). Or il est apparu que l’activité avait placé la majorité des élèves dans l’insécurité et qu’elle ne présentait à leurs yeux aucune légitimité dans le cadre du cours. Cependant malgré leur refus ou tout au moins leur inquiétude à poursuivre de façon régulière cette activité, leurs comportements pendant la séance et leurs réactions ensuite, validaient explicitement les besoins estimés préalablement. C’est pourquoi, il m’a semblé pertinent de poursuivre tout en respectant les représentations et les attentes des élèves. J’ai donc engagé une discussion avec le groupe pour tenter de situer / expliquer plus clairement l’intérêt de l’activité pour les apprentissages : réajuster

De plus, la réflexion qui s’est engagée avec l’équipe de l’association « Raconte nous ton histoire »  accord sur une démarche très progressive vers la créativité des exercices / articulation sur un travail de cohésion du groupe et d’expression en groupe. Dans ce sens, il a été décidé de former 2 groupes fixes en fonction de l’âge des élèves ( 3ème- 4ème – 5ème ) / 6ème Le lieu a été modifié à savoir au sein de l’établissement (cadre plus rassurant car connu des élèves et qui donnait un caractère légitime par sa situation dans l’institution)


MISE EN PLACE D’UN ATELIER REGULIER

Organisation : Pendant semaines, une séance d’1 heure tous les 15 jours puis au vu de la participation de plus en plus active des élèves, une séance chaque semaine en alternant chaque groupe (c’est à dire une heure et demie par groupe / 15 jours)

Code fonctionnel des propositions de jeux : Les propositions de jeux se répartissent selon quatre grands schèmes, les propositions empathiques qui relèvent d’exercices où il s’agit d’être en empathie avec l’autre, les jeux sont ceux des sculptures, des jeux en miroir, des jeux de fusion-séparation qui permettent aux participants de voir leur image réfléchies dans celle de l’autre, et d’expérimenter des actions verbales, gestuelles, sonores et rythmiques en résonance avec l’autre différent et semblable. Les propositions de type exploratives poussent les participants à se lancer dans des situations de découverte ; de l’espace, de gestes et de mots, de rencontres improvisées, de mises en situations où il est demandé de jouer un rôle, de prendre une place définie ou non à l’avance dans un contexte libre ou plus cadré. Les propositions à composantes pédagogiques proposent des mouvements déterminés et offrent des modèles à imiter, à savoir ceux des animateurs. Enfin, les propositions à composantes intégratives sont des propositions de jeux très cadrées qui viennent en début et surtout en fin de séance pour donner une consonance positive et sécurisante au groupe et aux individus composant le groupe de manière à ce que l’atelier se clôture en redonnant à chaque participant une place structurée en tant que sujet vivant dans une société régie par les lois du mouvement, de l’espace et du temps. Il s’agirait là de proposer des jeux en groupe autours d’une danse reprenant par exemple les quatre directions de l’espace.

Apports : Moins de tensions et meilleure mise en mots des conflits
Effet remarquable sur le groupe des « grands » qui jouent le rôle d’aînés : ils s’appliquent à être exemplaires et cherchent à contenir les débordements des plus jeunes. Début de cohésion du groupe tout en permettant à chacun de trouver sa place.


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